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Dans une brillante lumière, au pays de vérité.
Elle qui jusqu’alors, à vrai dire,
Avait tâtonné au milieu des ombres d’un lieu obscur
Et pendant tant d’heures et de jours
Avait à peine gardé le souvenir du bien.
Mais maintenant mon servage
T’appartient, et je suis plein de joie et de repos.
C’est un homme que de la bête sauvage
Tu as tiré, depuis que par ton amour je vis. »

61. Vous pensez peut-être qu’un chevalier grec n’aurait pas placé la femme aussi haut que cet amant chrétien. Sa soumission spirituelle à ses lois n’aurait pas été sans doute aussi absolue ; mais pour ce qui est de leurs caractères, c’est seulement parce que vous n’auriez pu me suivre aussi aisément, que je n’ai pas pris les femmes de l’antiquité grecque au lieu de celles de Shakespeare ; et par exemple comme suprême idéal, comme type de la beauté et de la foi humaines, le simple cœur de mère et d’épouse, d’Andromaque ; la sagesse divine et pourtant rejetée de Cassandre ; la bonté enjouée et la simplicité d’une existence de princesse, chez l’heureuse Nausicaa ; la calme vie de ménagère de Pénélope pendant qu’elle épie au loin la mer ; la piété patiente, intrépide et le dévouement sans espoir de la sœur et de la fille chez Antigone ; la tête inclinée d’Iphigénie silencieuse comme un agneau ; et enfin l’attente de la résurrection[1] rendue sensible à l’âme grecque quand revint de son propre tombeau cette Alceste qui,

  1. Les mots « la résurrection d’Alceste » se trouvent plusieurs fois dans Ruskin. Cf. The Queen of the air, III, 92, Pleasures of England ; IV. (Note du traducteur.)