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des écoles et des instituts d’art, plus que n’avait eu jamais aucune nation ? » Oui, certainement, mais tout cela est affaire de boutique. Vous voudriez bien vendre des toiles aussi bien que vous vendez du charbon, et de la faïence comme du fer ; vous voudriez retirer à toutes les autres nations le pain de la bouche, si vous le pouviez[1]. Comme vous ne le pouvez pas, votre idéal de vie est de vous tenir à tous les carrefours de l’univers comme les apprentis de Ludgate criant à chaque passant : « De quoi avez·vous besoin[2] ? »

Vous ne savez rien de vos dons naturels ni de l’influence du milieu ; vous vous figurez que, dans vos champs de glaise, humides, plats et gras, vous pouvez avoir la vive imagination artistique qu’ont les Français au milieu de leurs vignes bronzées ou les Italiens au pied de leurs rochers volcaniques ; que l’art peut s’apprendre comme tenir des livres, et, quand on l’a appris, vous donne plus de livres à tenir. Vous vous souciez de peintures en réalité pas plus que des affiches collées sur les murs. Il y a toujours de la place sur les

  1. Ceci était le vrai but de votre « libre échange » : « tous les échanges pour moi ». Vous trouvez maintenant que grâce à la concurrence les autres peuples peuvent tenir le marché aussi bien que vous et maintenant vous demandez de nouveau la protection. Pauvres petits ! (Note de l’auteur.)
  2. Allusion aux aventures de Nigel : « Quand il était ainsi occupé il abandonnait le poste extérieur de son établissement commercial à deux robustes apprentis à voix de stentor qui ne cessaient de crier : De quoi avez-vous besoin ? De quoi avez-vous besoin ? sans manquer de joindre à ces paroles un pompeux éloge des objets qu’ils avaient à vendre. Cet usage de s’adresser aux passants pour les inviter à acheter ne subsiste plus aujourd’hui, à ce que nous croyons, que dans Monmouthstreet, etc. (Aventures de Nigel, chapitre Ier, p. 40, de la traduction française, édition Gosselin.) (Note du traducteur.)