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tout ce qu’il veut dire ; mais avec de plus grands hommes vous ne pouvez pas aller au fond de leur pensée ; ils ne la mesurent pas complètement eux-mêmes : elle est si vaste ! Supposez que je vous aie demandé par exemple de chercher quelle est la pensée de Shakespeare au lieu de celle de Milton, sur cette question de l’autorité de l’Église ? ou celle de Dante ? Est-ce qu’aucun de vous en ce moment a la moindre idée de ce que l’un ou l’autre pensait là-dessus ? Avez-vous jamais mis en regard la scène des Évêques dans Richard III et le caractère de Cranmer[1] ? Le portrait de saint François et de saint Dominique, et le portrait de celui que Virgile contemplait avec étonnement : « Disteso, tanto vilmente, nell’eterno esilio[2] », ou de celui auprès duquel se tenait Dante, « Come’l frate — che confessa lo perfido assassin[3] » ?

  1. Dans Henry VIII.
  2. Caïphe, éternellement étendu en croix en travers du chemin, pour avoir conseillé aux Juifs la crucifixion de Jésus. Selon Dante son beau-père Ananias et tous ceux qui assistaient au conseil ou fut résolu le supplice de Jésus subissent la même peine. (Note du traducteur.)
  3. Nicolas III (Jean-Gaetan Orsini), que Dante aperçoit les pieds flambants hors d’un trou au fond duquel il est plonge, la tête en bas. Nicolas III entendant la voix de Dante croit d’abord que c’est Boniface VIII. Mais Virgile ordonne à Dante de le détromper, Nicolas III avoue alors à Dante qu’il fut simoniaque et Dante lui répond : « Or ça, dis-moi quel trésor Notre Seigneur voulut-il de S. Pierre, avant de mettre les clefs en son pouvoir ? Il ne lui demande rien, sinon : Suis-moi.

    Ni Pierre, ni les autres n’enlevèrent à Matthias son or et son argent…
    Reste donc là, car tu es justement puni, et garde bien ta richesse mal acquise…
    Et n’était que me retient encore le respect des clefs souveraines que tu tins dans la douce vie,
    J’userais de paroles encore plus sévères…