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fie né du souffle, c’est-à-dire du souffle de Dieu, — âme et corps. Nous en avons le vrai sens dans nos mots « inspiration » et « expirer ». Maintenant il y a deux sortes de souffles dont le troupeau peut être rempli, le souffle de Dieu et celui de l’homme. Le souffle de Dieu est la santé et la vie et la paix pour les troupeaux, comme l’air du ciel aux troupeaux sur les collines ; mais le souffle de l’homme (le mot que lui appelle spirituel) est la maladie et la contagion pour eux comme le brouillard du ma-

    comme tout à l’heure dans Sésame, comme plus tard, — et très souvent — dans la Bible d’Amiens, nous interdit avec un « cela ne vous regarde pas » transcendantal, les questions d’origine et d’essence, et nous invite au contraire à nous occuper des questions de fait, du fait moral et spirituel. — Et voici que la médecine contemporaine semble sur le point de nous dire elle aussi (elle, partie pourtant d’un point si différent, si éloigne, si opposé), que nous sommes « nés de l’esprit » et qu’il continue à régler notre respiration (voir les travaux de Brugelmann sur l’asthme), notre digestion (voir Dubois, de Berne, les Psychonévroses et ses autres ouvrages) la coordination de nos mouvements (voir Isolement et Psychothérapie par les Drs Camus et Pagniez, préface du professeur Déjerine). « Quand vous m’aurez en disséquant un mort montré l’âme, j’y croirai », disaient volontiers les médecins il y a vingt ans. Maintenant, non pas dans les cadavres (qui dans la sage théorie d’Ézéchiel ne sont justement des cadavres que parce qu’ils n’ont plus d’âme (Ézéchiel, xxxvii, 1-12), mais dans le corps vivant, c’est à chaque pas, c’est dans chaque trouble fonctionnel, qu’ils sentent la présence, l’action de l’âme, et pour guérir le corps, c’est à l’âme qu’ils s’adressent. Les médecins disaient il n’y a pas longtemps (et les littérateurs attardés le répètent encore) qu’un pessimiste c’est un homme qui a un mauvais estomac. Aujourd’hui le Dr Dubois imprime en toutes lettres qu’un homme qui a un mauvais estomac c’est un pessimiste. Et ce n’est plus son estomac qu’il faut guérir si l’on veut changer sa philosophie, c’est sa philosophie qu’il faut changer si l’on veut guérir son estomac. Il est entendu que nous laissons ici de côté les questions métaphysiques d’origine et d’essence. Le matérialisme absolu et le pur idéalisme sont également obligés de distinguer l’âme du corps. Pour l’idéalisme le corps est un moindre esprit, de l’esprit encore, mais obscurci. Pour le matérialisme l’âme est encore de la matière, mais plus compliquée, plus subtile. La distinction subsiste en tous cas pour la commodité du langage, même si l’une et l’autre philosophie sont obligées, pour expliquer l’action réciproque de l’âme et du corps, d’identifier leur nature. (Note du traducteur.)