miner cette autobiographie. Il avait résolu de la poursuivre jusqu’à ce qu’elle fût parvenue à l’année 1875. Il n’avait plus que neuf chapitres à écrire, mais ses forces d’attention baissaient de jour en jour. Il lui fallut s’avouer à lui-même que la période active de son existence touchait à son terme. Il regagna sa petite habitation de Brantwood, dans les bois, sur le lac de Coniston, et entra dans ce repos du corps qui devait durer onze ans avant que commençât enfin, pour lui, ce que les croyants appellent « le repos de l’âme ». Præterita demeura donc inachevé, comme ces portraits qu’on trouve dans l’atelier d’un maître, après sa mort, posés sur le chevalet, entourés de tout ce qui sert à les faire, avec le charme d’un secret dont la clef a été emportée bien loin.
Il faut savoir gré à Mme Gaston Paris de nous avoir donné, dans une traduction littérale et littéraire à la fois, ce portrait, tout nouveau pour nous, de l’auteur des Modem Painters. Même après les études si consciencieuses et si fouillées de M. Collingwood et beaucoup plus tard de M. Jacques Bardoux, il est révélateur et, même si l’on n’a rien lu encore de Ruskin ni sur Ruskin, il est attirant. Car la parfaite sincérité du narrateur est évidente et les souffrances ou les émotions d’une âme impressionnable à l’excès, ses puérilités même nous intéressent toujours, dès que ta vraisemblance en est certifiée et garantie par la seule chose qui certifie et garantit la vérité d’un portrait dont on n’a pas connu le modèle : la vie.
Or, ici, la figure est bien vivante : ses bizarreries se justifient toutes seules, ses traits se rejoignent, se balancent et s’expliquent les uns par les autres. Et