CHAPITRE III
TORCELLO
À sept milles au nord de Venise, les bancs de sable qui, près de la ville s’élèvent peu au-dessus du niveau de l’eau, atteignent, peu à peu, une plus grande hauteur et forment des plaines de marécages salés dont les éminences informes sont fréquemment séparées par de petites baies. Un de ces moindres îlots, après avoir assez longtemps erré parmi les débris de maçonnerie enfouis et les mauvaises herbes brûlées par le soleil sur lesquels s’étendent les plaques blanchâtres des algues, s’arrêta dans une mare stagnante, à côté d’un champ très vert, plein de lierre terrestre et de violettes. Sur ce monticule s’élève un campanile de briques du plus vulgaire type lombard. Si nous y montons vers le soir (et personne ne saurait nous en empêcher, car la porte de son escalier en ruines se balance paresseusement sur ses gonds), nous dominerons un des plus merveilleux coups d’œil que puisse offrir le vaste monde.
Aussi loin que peut atteindre la vue, s’étend une immensité de marais, d’un sombre gris cendré, marais stagnants, mornes, sans couleur et sans vie, ne ressemblant en rien à nos marais du nord qui passent du noir de leurs mares au pourpre de leurs bruyères. L’eau de mer corrompue mouille les racines de leurs herbes arides