rétablir, dans la mesure du possible, une faible esquisse de la cité perdue, mille fois plus splendide que celle qui lui survit, bien qu'elle n'eût été créée ni par le caprice d'un prince, ni par la vanité des nobles, mais bien par des mains de fer et des cœurs patients luttant contre les obstacles de la nature et la colère des hommes. Notre enquête ne retracera pas cette merveilleuse beauté d'une façon imaginaire ; elle portera sur la véritable nature de ce lieu sauvage et solitaire dont les flots agités et les sables tremblants furent le berceau de la ville à laquelle, pendant longtemps, ils refusèrent de se soumettre.
Quand on examine, par hasard, une carte détaillée de l'Europe, l'œil s'arrête forcément devant la boucle étrange formée par la jonction des Alpes et des Apennins, qui donne naissance au grand bassin de la Lombardie. La chaîne de montagnes, en revenant sur elle-même, distribue très inégalement, des deux côtés, les débris qu'elle répand. Les fragments de rocs et les sédiments que les torrents déversent au nord des Alpes se répartissent sur une vaste étendue de pays et bien que, parfois, ils forment une masse considérable, la couche inférieure arrive bientôt à la traverser, tandis que les torrents qui descendent du versant sud des Hautes-Alpes et du versant nord des Apennins se réunissent et se rencontrent dans le renfoncement ou baie de montagnes qu'enferment les deux chaînes. Chaque fragment que la foudre arrache aux rochers, chaque grain de poussière que la pluie d'été enlève aux pâturages finissent par reposer dans le calme de la plaine lombarde. Sous les deux influences contraires qui entassent ou dispersent, à sa surface, l'accumulation des ruines des siècles passées, cette plaine a pu s'élever, en dépit des obstacles rocailleux.