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L’architecture, tout comme la religion qu’elle traduisait, tomba dans un repos étrange, doré, embaumé, dans lequel elle végète encore, sauf dans les lieux où sa langueur fut troublée : un brusque réveil l’y attendait.

L’art chrétien, au déclin de l’empire, se divise en deux grandes branches : l’orientale et l’occidentale. L’une avait Rome pour centre ; l'autre Byzance ; l’une est représentée par ce qu’on appela le Roman primitif chrétien ; l’autre, portée au plus haut degré de perfection par les ouvriers grecs, est le style byzantin. Cet art étendit ses divers rameaux sur les provinces centrales de l’empire, modifiant ses aspects suivant leur degré d’éloignement de la capitale, animé par la fraîcheur et l’énergie de la religion qui l’inspirait ; lorsque cette fraîcheur et cette énergie disparurent, l’art perdit sa vitalité et tomba dans un repos anémié, n’ayant pas perdu sa beauté, mais restant plongé dans un engourdissement incapable de progrès ou de changement.

Cependant, sa résurrection se préparait : dans les provinces éloignées, des ouvriers inférieurs le répandirent — en le travestissant sous une forme impure — et les nations barbares en firent de grossières imitations. Or, ces nations barbares étaient dans la force de leur jeunesse, et pendant que, dans le centre de l’Europe, un art pur et raffiné descendait jusqu’à se contenter de la grâce des formes, un art barbare et imitateur se développait, chez elles, avec une vigoureuse énergie. Cette période se divise donc aussi en deux grandes branches : l’une, recueillant la succession languisante de l’art chrétien à Rome ; l’autre, dans sa phrase primitive d’organisation, l’imitant sur les confins de l’empire.

Certaines nations barbares furent réfractaires à cette influence, tels les Huns traversant les Alpes et l’Italie comme un fléau, ou les Ostrogoths qui, se mêlant aux