Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lement faict ; et encore qu’il y peust bien y avoir d’autres faultes, je croy que Dieu les a en ayde pour la révérence qu’ilz portent au service de l’Église. »

Ce passage est intéressant pour deux raisons : d’abord pour l’impression de Commines sur la religion de Venise dont les formes apparentes subsistent, gardant un semblant de vie qui rappelle ce qu’elle fut autrefois ; puis pour la distinction qu’il fait entre les anciens palais et ceux construits « depuis cent ans qui ont tous le devant de marbre blanc venant d’Istrie, à cent mils de là, et encore maincte grande pièce de porphire et de sarpentine sur le devant ».

L’ambassadeur de France fut à bon droit frappé de cette différence ; l’ancienne architecture vénitienne avait, en effet, changé durant le XVe siècle. Ce changement est important pour nous autres modernes : les Anglais lui doivent la construction de la cathédrale Saint-Paul, et l’Europe, en général, lui doit la destruction de ses écoles d’architecture qui ne devaient plus renaître. Pour que le lecteur comprenne cela, il est nécessaire de lui donner une idée générale de la connexité de l’architecture vénitienne avec celle du reste de l’Europe, depuis son origine.


Toute l’architecture de l’Europe, bonne ou mauvaise, ancienne ou moderne, lui vint de la Grèce, en passant par Rome et par l’Orient qui la colora et la perfectionna. L’histoire de l’architecture est simplement l’étude des différents modes qui en dérivèrent et des routes qu’ils ont parcourues. Une fois cela compris, on peut réunir, comme les grains d’un chapelet, tous les types d’architecture qui se sont succédés. Les ordres dorien et corienthien en sont la base : du dorien procèdent toutes les massives constructions romanes, normandes, lombardes,