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(Le traducteur a du laisser de côté — faute de place — l’appendice complétant l’étude du Grotesque et se borner à traduire l’« Index Vénitien », guide précieux à travers les richesses artistiques de Venise. Avant de le commencer, et pour illuminer une dernière fois la merveilleuse cité, restée si attachante et si belle dans sa ruine, le traducteur reproduit ici deux fragments pris dans d’autres œuvres de Ruskin et choisis par lui pour terminer, — en faisant revivre dans son plus beau temps la « Città dolente » d’aujourd'hui. — sa magistrale étude des Pierres de Venise).

Le premier fragment, tiré du « Repos de Saint-Marc » décrit l’élection d'un Doge :


« Quand le doge Gontarini mourut, le peuple de la Vénétie tout entière débarqua au Lido, et l’évèque de Venise et les moines de la nouvelle abbaye de Saint-Nicolas se joignirent à lui pour demander à Dieu — les moines dans leur église et le peuple sur le rivage et dans les bateaux — qu’il voulut bien éloigner tout danger de la patrie et lui accorder un roi qui fût digne de la gouverner. Et comme ils priaient, tous unis, un cri soudain sortit de la multitude : « Nous voulons Domenico Selvo, nous le voulons et nous approuvons ! » Et un groupe considérable de nobles coururent vers lui, relevèrent sur leurs épaules et le portèrent à son bateau. Lorsqu’il y fut entré, il retira ses chaussures pour pouvoir, en toute humilité, approcher de l’église Saint-Marc. Et pendant que les bateaux se dirigeaient, à force de rames, des îles vers Venise, le moine qui vit cela et qui nous le raconta, commença à entonner le Te Deum. Toutes les voix de la foule s’unirent pour chanter cet hymne, suivi du Kyrie Eleison : ces litanies rhythmaient les mouvements des rameurs et tous se réjouissaient, par cette brillante matinée, de voguer sur leur mer natale. A leur