Renaissance grotesque ; de ce grotesque qui n’a — hâtons nous de le dire — aucun rapport avec l’imagination inouïe et fantastique qui est un des principaux éléments de l’esprit gothique du Nord. Cette distinction entre le vrai et le faux grotesque est nécessaire à signaler en présence des tendances actuelles de l’Angleterre.
Une particularité à noter dans la dernière architecture de Venise et qui intéresse nos recherches spéciales sur la vraie nature de son esprit, apparaît dans la façade de Santa Maria Formosa, flanquée de la tête grotesque que nous venons de signaler : on n’y retrouve plus aucun symbole religieux, sculpture ou inscription. En revanche, cette façade est un monument élevé à la gloire de l’amiral Vincenzo Capello. Au-dessus de la base de l’église s'élèvent des trophées d’armes — sculptures qui ont aussi peu de valeur militaire que de mérite ecclésiastique — et, sur la porte exactement à la place occupée dans la « barbare » Saint-Marc par l’image du Christ, se dresse la statue de l’amiral dont les hauts faits sont inscrits sur des tablettes.
A partir du XVIe siècle, les églises de Venise furent consacrées à la glorification des hommes qui y prirent la place de Dieu. Celles qui furent construites à cette époque sont si bassement inférieures que les critiques italiens de notre temps eux-mêmes adressent des reproches aux derniers efforts de l’architecture de la Renaissance. Les deux églises de San Moïse et de Santa Maria Zobenigo, les plus remarquables par leur insolent athéisme, sont caractérisées par Lazari, l’une comme le « point culminant de la sottise architecturale » ; l’autre comme un « horrible amas de pierres d’Istrie ». Elles sont dédiées à la gloire de deux familles vénitiennes : celle de San Moïse célèbre la famille Fini, celle de Santa Maria Zobenigo