réjouissances. L’issue de la guerre ne permit pas aux Vénitiens de rétablir la fête des Maries dans son ancienne splendeur ; elle resta définitivement abolie.
Comme pour en effacer le souvenir, tout ce qui avait été associé à cette fête fut détruit dans les siècles suivants. A l’exception d’une seule maison (la Casa Vittura), il ne reste, sur la place Santa Maria Formosa, ni une des fenêtres qui ont vu passer les Maries, ni une pierre de l’élise ; le terrain lui-même et les canaux environnants ont changé de direction : il ne reste qu’un écriteau pour guider le pas du voyageur jusqu’à l’endroit où s’arrêta le nuage blanc et où on bâtit le reliquaire de Santa Maria Formosa. Arrivé là, devant la tour de l’église moderne élevée à place précise où s’agenouillaient les filles de Venise et l’élite de sa noblesse, que le voyageur lève les yeux et regarde la tête sculptée qui décore cette tour, encore dédiée à Santa Maria Formosa, — une tête énorme, hideuse, inhumaine! d’une dégradation bestiale trop ignoble pour être décrite ou pour être regardée plus d’un instant. Il faut cependant la supporter pendant cet instant, car elle peint exactement l’esprit pervers qui envahit Venise pendant la quatrième période de son déclin et qui souffla sur sa beauté jusqu’à ce qu’elle eût disparu, comme jadis le nuage blanc.
Cette tête fait partie des centaines de masques semblables qui souillent les dernières constructions de Venise ; toutes ces têtes ont la même expression ricanante que beaucoup d’entre elles augmentent en tirant la langue. Il y en a sur les ponts, dernier ouvrage entrepris par la République ; il y en a même plusieurs sur le pont des Soupirs, exprimant cette moquerie idiote, ce bas sarcasme qui caractérisent la dernière période de la