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Moïse, Trajan, etc. Il a donc un intérêt particulier par son rapport avec le caractère si discuté du dernier gouvernement de Venise. Il est l’affirmation, par ce gouvernement, que la justice peut seule fonder la stabilité du pouvoir. Beaucoup d’historiens modernes prendront cette pétition de principes pour un masque destiné à déguiser la violence criminelle avec laquelle le gouvernement de Venise agit dans maintes circonstances. Pour moi, je crois à la sincérité du sentiment exprimé ; je n’admets pas que la majorité des chefs vénitiens — dont nous voyons les portraits — fussent, à cette époque, hypocrites de propos délibéré. Je ne lis pas l’hypocrisie sur leurs visages, non plus que la petitesse ; j’y vois, au contraire, une grandeur infinie, du repos, du courage et une tranquillité d’expression qui vient de la sincérité et de la plénitude du cœur, expression qui ne se lit pas sur le visage d’un homme faux. Je crois que les nobles Vénitiens du XVe siècle ont désiré rendre justice à tous, mais, la morale établie ayant été sapée par les enseignements de l’Église romaine, l’idée de justice se trouvait tellement séparée de l’idée de vérité que dissimuler dans l’intérêt de l’État était considéré comme un devoir. Nous ferions peut-être bien de peser avec quelque attention la manière d’agir de nos gouvernants et la différence qui existe entre la morale privée et la morale parlementaire avant de juger impitoyablement les Vénitiens. Le mystère qui entourait leur politique et leurs procès politiques apparaît, à nos yeux modernes comme entaché de sinistres intentions ; ne pourrait-on pas, au contraire, le considérer comme un essai de justice en un siècle de violence ?

Des jurés irlandais de nos jours ne seraient-ils pas excusables de porter envie aux principes de justice du Conseil des Dix ? Après un examen critique du gouverne-