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sans l’incendie, changé quoi que ce fût au palais pour le rendre plus somptueux ou lui donner une forme plus belle ; pendant les nombreuses années qu’il y avait passées, il n’y avait apporté aucune modification et s’était contenté de ce que ses prédécesseurs lui avaient laissé. Il savait bien, d’ailleurs, que si les sénateurs consentaient à rebâtir le palais, ainsi qu’il les en conjurait, il était trop vieux et trop brisé par les fatigues de sa vie pour que Dieu ne le rappelât pas à lui avant que les murs fussent sortis de terre. En conséquence, on pouvait croire qu’il ne formulait cette demande que pour l’honneur de la ville et du duché, puisqu’il ne profiterait jamais de l’amélioration qu’il laisserait à ses successeurs. » Il ajouta que « afin d’obéir à la Loi, comme il l’avait toujours fait, il avait apporté avec lui les mille ducats de l’amende qu’il avait encourue, prouvant ainsi à tous qu’il agissait pour le bien de l’État et non pour son propre avantage. » Personne, ajoute Sanuto — n’osa, ni même ne désira s’opposer au vœu du Doge et les mille ducats furent, à l’unanimité, consacrés aux dépenses de la construction. On se mit rapidement à l’œuvre… mais, comme l’avait prévu Mocenigo, il termina sa vie peu après : il vit à peine le commencement de la nouvellu construction. »

Il ne s’agissait, bien entendu, de détruire que le vieux palais. À cette époque, la nouvelle salle du Grand Conseil, qu’on avait mis cent ans à construire, n’était pas encore terminée et ce que nous appelons aujourd’hui le Palais Ducal renfermait, dans l’esprit des vieux Vénitiens, quatre bâtiments distincts. Il y avait le Palais, les prisons d’Etat, la maison du Sénat et les bureaux des affaires publiques ; en un mot, c’était Buckingham Palace, la Tour des anciens jours, le parlement et Downing street réunis dans un seul monument. C’était du Palais seul, résidence du Doge