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Je ne les considère pas comme barbare, parce que je crois que, de toutes les manifestations d'art religieux, elles ont été la plus efficace. Elles tiennent le milieu entre les grossières manifestations des ouvrages de bois et de cire — qui sont, dans tout l'univers, le soutien de l'idolâtrie des catholiques romains — et le grand Art, qui entraîne l'esprit hors du sujet religieux jusqu'à l'Art lui-même. Il ne saurait être question d'art dans les productions de la manufacture de marionnettes qui — quelle que soit l'influence qu'elle exerce sur les catholiques d'Europe — n'existe pas au point de vue artistique. La valeur de l'image qu'il adore est totalement indifférente au catholique romain. Prenez, dans un bazar de jouets, la plus grossière poupée de bois, remettez-la à une bande d'enfants qui la traîneront dans la maison jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un bloc informe, habillez-la alors d'une robe de satin, affirmez qu'elle est tombée du ciel, et elle donnera pleine satisfaction aux aspirations romaines. L'idolâtrie ne saurait, nous le répétons, encourager les beaux-arts qui, de leur côté, ne la protègent pas. Aucun tableau de Léonard ou de Raphael, aucune statue de Michel-Ange n'a jamais été l'objet d'un culte — excepté par accident. — Regardés en passant par des ignorants, ces chefs-d'œuvre n'ont en eux rien qui attire l'attention plus que dans des œuvres inférieures, — regardés avec soin par des personnes intelligentes, ils détournent leurs pensées du sujet du tableau pour les porter vers l'Art, et l'admiration prend la place de la dévotion. Je ne dis pas que la Vierge de Saint-Sixte, que la Vierge au Chardonneret et d'autres encore, n'aient pas eu une influence religieuse sur certains esprits, mais elles n'en ont eu aucune sur les masses ; la plupart des statues et des tableaux les plus célèbres n'éveillent que des sentiments d'admiration pour la beauté humaine ou