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l'évaluation se fait par pieds et par tonnes et non par carats.

Les colonnes doivent donc, sans exception, être taillées d'un bloc unique. Tout essai pour les incruster ou pour les édifier en plusieurs morceaux réunis par des joints, aboutirait à une déception pareille à celle que cause une pierre fausse introduite dans un bijou précieux; le spectateur perdrait, du coup, toute confiance dans la valeur du reste de la construction et dans ceux qui Font élevée.

Loi IV. — Les colonnes devront parfois être indépendantes de la construction.

L'importance de la colonne comme membre de soutien, diminue en raison de l'importance qu'elle prend en qualité de joyau de prix. Le plaisir que nous causent sa masse précise et la beauté de sa couleur est indépendant de toute idée d'adaptation à un usage mécanique. Ainsi que beaucoup d'autres belles choses de ce monde, sa fonction est d'être belle; en retour de cette beauté, nous l'autorisons à être inutile. Pensons-nous à reprocher aux rubis ou aux émeraudes de ne pouvoir devenir des tètes de marteau ? Loin que notre admiration pour la colonne-joyau dépende de son utilité, il est probable que la plus grande partie de la valeur que nous lui accordons tient à la fragile délicatesse de son essence qui la rend impropre aux durs labeurs. Nous l'admirons d'autant plus que, si on lui imposait un lourd fardeau, nous sentons qu'elle en serait brisée.

La principale étude de l'architecte est donc de placer ses colonnes de façon à mettre leur beauté en valeur ; il serait impardonnable de les incorporer dans un mur ou de les grouper de manière à masquer une partie quelconque de leur surface. La disposition symétrique ou scientifique des colonnes ne saurait être admise dans