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apporter une recherche d’élégance. Il suffit que sa masse nous rassure sur sa solidité. Il n’y a aucune raison de chercher à diminuer l’étendue de sa surface par une inutile délicatesse d’ajustement, puisque c’est sur cette surface qu’on appliquera la couleur, principal attrait de la construction. Nous ne demanderons au corps de bâtiment que des murs forts et des piliers massifs ; quant aux détails plus soignés de l’architecture, ils seront réservés à des parties moins importantes ou au soutien de l’armure extérieure ; si on les employait en arceaux ou en voûtes, ils pourraient paraître dangereusement indépendants des matériaux intérieurs.

Loi III. — Toutes les colonnes doivent être solides.

Si, à cause de leur petite taille, on doit renoncer à l’incrustation pour certaines parties, il faudra, sans hésiter, abandonner ce genre d’architecture pour le tout. L’œil ne doit jamais avoir le moindre doute sur la solidité de l’incrustation. Ce qui semble probablement solide doit l’être assurément ; de là vient la loi absolue qui interdit l’incrustation à la colonne. Non seulement toute sa valeur tient à la solidité, mais le temps et le travail qui seraient nécessaires pour lui ajuster un revêtement incrusté dépasseraient de beaucoup le prix de la matière qu’on aurait économisée. La colonne, quelle que soit sa dimension, doit toujours être solide et, comme le caractère incrusté de la construction rend difficile aux colonnes d’être à l’abri de tout soupçon, il ne doit exister en elles aucun joint. Elles doivent être d’un seul morceau, et cela d’autant plus que toute faculté étant laissée au constructeur d’élever des murs et des soubassements aussi épais qu’il le désire, il lui est tout à fait inutile que les colonnes aient une dimension fixe.

Dans les styles normand ou gothique, exigeant un