provoquée par la désastreuse situation de la ville, elle n'est absolument due ni à la belle architecture, ni à l'impression produite par les épisodes sacrés que représen tent les mosaïques. Cet effet, bien que léger, existe pourtant : on en a la preuve dans le nombre des fidèles qui sont attirés par Saint-Marc, tandis que Saint-Paul et les Frari, mieux situés et plus grands, sont relativement vides. Cela tient sans doute à l'influence que certains moyens exercent sur les instincts humains inférieurs, moyens employés de tout temps pour favoriser la superstition : l'obscurité et le mystère ; les sombres retraites de la construction ; la lumière artificielle répandue en petite quantité, mais avec une continuité qui lui donne quelque chose de saint ; les matériaux précieux, appréciables même aux yeux du vulgaire ; l'odeur de l'encens, la solennité de la musique ; les idoles ou les images auxquelles se rattachent des légendes populaires : toute cette mise en scène de la superstition, aussi vieille que le monde, employée par les nations sauvages ou civilisées, et produisant un faux respect dans les esprits incapables de comprendre la Divinité, existent dans Saint-Marc à un degré inconnu à toute autre église européenne. Les artifices des Mages et des Brahmines sont employés par une chrétienté frappée de paralysie, et le sentiment populaire excité par ces artifices ne doit pas nous inspirer plus de respect que nous n'en aurions accordé aux adorateurs d'Elensis, d'Ellora ou d'Edfou.
Ces moyens inférieurs n'étaient pas uniquement employés dans les anciennes églises, pour surexciter une émotion religieuse, ainsi qu'on le fait encore aujourd'hui. S'il y avait déjà des cierges allumés, ils éclairaient des murs couverts de tableaux sacrés que chacun regardait et comprenait, tandis que, pendant mes séjours à Venise