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Mais Ruskin a prévu ce reproche. Laissons-le parler : « Il est un mode de connaissance de la peinture qui appartient à l’artiste, un autre qui appartient à l’archéologue et à l’expert ; ce dernier, surtout ingénieux, repose sur une connaissance très sûre et très étendue de la toile, de la couleur et des trucs de métier, et n’implique pas forcément une compétence quelconque au sujet des qualités esthétiques proprement dites. Il y a peu d’experts compétents, dans les grandes villes de l’Europe, dont l’opinion — si vous pouviez en être informé — ne soit pas plus digne de foi que la mienne sur des points d’actuelle authenticité . Mais ils peuvent seulement vous dire si une peinture doit être attribuée à tel ou tel maître, sans être le moins du monde à même de vous apprendre à quoi le maître ou son œuvre sont bons[1]. »

Toutefois, ne partageant pas la confiance que Ruskin a en Vasari et considérant que la plupart des opinions émises par la critique moderne s’accordent mieux avec le caractère des œuvres auxquelles elles se rapportent[2], j’ai cru bien faire en rectifiant, aussi exactement que possible, les attributions considérées actuellement comme fautives. J’ai tenté également — restant en cela fidèle à l’esprit de Ruskin — de multiplier les indications de sources littéraires, d’étendre certaines remarques à d’autres œuvres, existant à Florence, et de compléter certains exposés, à l’aide de quelques notes rassemblées au cours de deux séjours faits récemment dans cette ville.

Comme on le verra, Ruskin accueillit avec bienveillance et publia, dans ses deux derniers chapitres, des notes que lui envoyèrent de Florence deux de ses disciples, MM. Caird et

  1. Tour du Berger, § 118.
  2. Il nous semble que les deux « modes de connaissance de la peinture » s’accordent, à attribuer notamment la voûte de la Chapelle Espagnole à l’école de Taddeo (Le Livre voûté), et le Christ au Jardin des Oliviers des Offices à Lorenzo Monaco (La Porte d’Or). Ruskin se trouve lui-même embarrassé, dans chacun de ces cas, par l’attribution traditionnelle, et s’efforce vainement de la justifier à ses propres yeux.