Page:Ruskin - Les Matins à Florence.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les endroits qu’elles décrivent ou devant les peintures dont elles s’occupent. »

Mais il en est un peu de Ruskin comme de cet artiste dont il parle, dans Devant le Soudan, qui ne consent pas à se dessaisir d’une toile, en vue de quelque retentissante exhibition, mais qui peindra un chef-d’œuvre derrière la porte d’une antichambre. Ce que ces simples lettres, ces renseignements de voyage, renferment de richesse philosophique, d’éloquente interprétation, les quelques extraits que nous avons cités peuvent déjà le faire pressentir ; mais, pour se rendre compte du travail qu’ils ont coûté, il faut lire les cinquième et sixième Matins où se trouvent analysés minutieusement la fresque des Sciences de la Chapelle Espagnole et les bas-reliefs du Campanile. Ces études — et spécialement l’examen des sept Sciences profanes — forment une contribution originale à la critique d’art du xive siècle en Italie. Il ne se trouve pas ailleurs, à ma connaissance, de description aussi détaillée et aussi approfondie de ces œuvres. Aussi, tous les Anglais, tous les Américains qui visitent Florence se munissent-ils des Mornings, et l’on peut dire qu’aucun guide d’art n’est répandu dans la ville à l’égal de cette brochure.

La publication de cette édition française s’imposait donc depuis longtemps. Je veux pourtant prévoir une critique que l’on ne manquera pas d’adresser à cet ouvrage, et c’est précisément pour être mieux à même d’y répondre que je me suis permis d’insister sur la portée philosophique de l’œuvre de Ruskin, en général, et de ces « simples études d’art Chrétien » en particulier.

Les Mornings in Florence datent de 1875, d’une époque où l’autorité de Vasari n’était encore battue en brèche que par quelques critiques. Ruskin avait, pour cet auteur, une prédilection spéciale qui le poussait instinctivement à ajouter foi à son témoignage. Tout entier à l’examen des œuvres elles-mêmes, et pénétré, avant tout, du but d’éducation qu’il poursuit, il s’attache peu, en règle générale, aux questions d’attribution. Il diffère en cela de beaucoup de critiques modernes qui entretiennent longuement le lecteur de ces