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venir est, pour leur race, un bonheur et un bienfait perpétuel. Tous les hommes sages savent et ont su ces choses depuis que la forme de l’homme a été séparée de la poussière ; la connaissance et le commandement de ces lois n’a rien à faire avec la religion : un homme bon et sage diffère d’un homme méchant et idiot simplement comme un bon chien d’un chien hargneux et toute espèce de chien d’un loup ou d’une belette[1]. »

Partant de simples ressemblances techniques entre l’art payen et l’art chrétien, Ruskin nous révèle ainsi progressivement certaines affinités dans leurs conceptions légendaires et symboliques dont il découvre la source dans une même aspiration religieuse et morale. Mais il serait profondément injuste de confondre cette générosité et cette sympathie qu’il met à retrouver, dans une pensée sœur de la sienne, les germes d’un même esprit, les sources d’un même espoir, avec la tolérance sceptique dont font si aisément preuve ceux qu’aucun idéal exclusif ne possède et dont l’âme n’a pas reçu le baptême de la foi. Pour être éclairée, sa religion n’en est pas moins inébranlablement établie ; il aime à croire que l’inspiration de l’Esprit s’est répandue sur tous, en tous lieux et en tout temps, mais, s’il prête aux autres ses propres sentiments, c’est par trop de richesse, non par curiosité avide : « Je ne suis pas contempteur, dit-il, de la littérature profane, si peu que je ne crois pas qu’aucune interprétation de la religion Grecque ait été jamais aussi affectueuse, aucune de la religion Romaine aussi révérente que celle qui se trouve à la base de mon enseignement de l’art et qui circule à travers le corps entier de mes œuvres. Mais ce fut de la Bible que j’appris les symboles d’Homère et la foi d’Horace[2]. »

Loin d’affaiblir en rien la foi, cette idée de tolérante compréhension révèle, au contraire, l’exaltation mystique la plus vive. Toutes les périodes d’intense activité religieuse l’ont

  1. Bible d’Amiens, p. 339.
  2. Bible d’Amiens, p. 241.