Page:Ruskin - Les Matins à Florence.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

ment que moi »[1]. Il considère Virgile avec la même piété que Dante et parle, à diverses reprises, de la foi d’Horace : « Horace consacre son pin favori, chante son hymne automnal à Faunus, dirige la noble jeunesse de Rome dans son hymne à Apollon, et dit à la petite fille du fermier que les Dieux l’aimeront, quoiqu’elle n’ait à leur offrir qu’une poignée de sel et de farine, tout aussi sérieusement que jamais gentleman anglais ait enseigné la foi Chrétienne à la jeunesse anglaise, dans ses jours sincères[2]. »

Cette pensée se trouve condensée dans un passage de la Bible d’Amiens : « Les expressions fragmentaires de sentiment ou les expositions de doctrines que, de temps en temps, j’ai été capable de donner, apparaîtront maintenant à un lecteur attentif comme se reliant à un système général d’interprétation de la littérature sacrée, à la fois classique et chrétienne, qui le rendra capable, sans injustice, de sympathiser avec la foi des âmes candides de tous temps et de tous pays[3]. »

Nous passons même ici les limites des mondes antique et chrétien. Ruskin étend le cercle de sa sympathie au Paganisme moderne[4] ; il s’adresse au fond même de l’homme, à cette ressemblance, si lointaine soit-elle, que portent en eux les fils d’un même père : « Toutes les créatures humaines dit-il, dans tous les temps, dans tous les lieux du monde, qui ont des affections ardentes, le sens commun et l’empire sur elles-mêmes, ont été et sont naturellement morales. La nature humaine, dans sa plénitude, est nécessairement morale — sans amour elle est inhumaine — sans raison (νοῦς), inhumaine — sans discipline, inhumaine. Dans la proportion exacte où les hommes sont nés capables de ces choses, où on leur a appris à aimer, à penser, à supporter la souffrance, ils sont nobles, vivent heureux, meurent calmes et leur sou-

  1. Præterita, cilé par M. Proust (Bible d’Amiens).
  2. Queen of the Air, cité par M. Proust (Bible d’Amiens).
  3. P. 243.
  4. Voir, dans Devant le Soudan, les pages dans lesquelles il exalte le « bon payen », § 59.