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au long une note dans laquelle son disciple, M. Caird, signale l’analogie existant entre certaine forge aperçue dans un village voisin et la forge dans laquelle travaille le Tubalcaïn de Giotto. Il insiste, à plusieurs reprises, sur l’habileté innée des Toscans à travailler le fer, habileté provenant du voisinage de mines de cuivre et de fer exploitées de toute antiquité.

Cette idée se fonde sur une conviction historique. Aucune conquête, aucune religion ne prévaut contre l’indestructible permanence du caractère national : « Au fond, la population laborieuse reste forcément la même et le chevrier des Pyrénées, le vigneron de la Garonne et la laitière de Picardie, quelque maître que vous leur donniez, demeureront toujours sur leur sol, fleurissants comme les arbres du champ, endurants comme les rochers du désert. Et ceux-ci, la trame et la substance de la nation, sont divisés non par dynasties, mais par climats, et sont forts ici et impuissants là, de par des privilèges que la tyrannie d’aucun envahisseur ne peut abolir et des défauts que la prédication d’aucun ermite ne peut corriger (Bible d’Amiens, p. 120).

Il ne peut subsister aucun doute à cet égard ; Ruskin pose l’art populaire, anonyme, à la base de l’art aristocratique, individualisé, et il considère l’élément de race comme le fond même, sous-jacent à toute expression esthétique, payenne ou chrétienne. Pour lui, le dessin de Giotto se rapproche davantage du dessin de n’importe quel artiste payen de sa race et de son pays que de celui de n’importe quel artiste chrétien qui n’aurait pas été soumis aux mêmes influences. Il y a même plus qu’une parenté dans la forme des lignes, il y a certaines relations dans la forme des légendes et des symboles, et jusque dans le sentiment religieux.

Nous l’avons déjà vu comparant le Christ à Jupiter, la Vierge à Athéné ; il rapproche, dans un chapitre de la Bible d’Amiens, les deux « dompteurs de lion », saint Jérôme et Hercule, le courage qu’on puise dans la foi et celui qu’on puise dans la force. Dans Saint-Mark’s Rest, il va plus loin : Analysant les mosaïques de la coupole du baptistère de