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Dans le coin des Ghirlandajos, je n’ai jamais été dérangé par personne. Il n’y avait pas de service divin derrière le grand autel ; les touristes, même les mieux informés, n’avaient jamais, dans ces jours lointains, entendu parler de Ghirlandajo ; le sacristain recevait son étrenne quotidienne, régulièrement, qu’il s’occupât de moi ou non. La ravissante chapelle, avec ses fenêtres peintes et ses groupes de vieux florentins, était abandonnée à mon bon plaisir toute la matinée et j’écrivis une relation critique et historique complète des fresques, depuis le haut jusqu’en bas, assis le plus souvent à califourchon sur les lutrins jusqu’au jour où je dégringolai par terre, à l’endroit où les marches s’abaissent, mais sans me faire grand mal, quoique la chute fût en réalité plus dangereuse qu’aucune de celles que j’aie jamais faites dans les Alpes.

La bouteille à encre se répandit cependant sur la relation historique, dont les dernières pages furent un peu écourtées, ce qui a été une économie d’un temps précieux.

Dans la petite sacristie (un simple placard ou un garde-manger ecclésiastique, à deux marches au-dessus du transept), lorsque le mouvement suscité par les messes du matin était passé, j’avais coutume de me tenir pour dessiner l’Annonciation de l’Angelico, d’environ 11 pouces sur 14, autant que je m’en souviens, et qui était alors un des joyaux de Florence, ou dans le petit sanctuaire pour lequel il avait été peint, aujourd’hui emporté par le pillage républicain et perdu dans le général bric-à-brac de ces réservoirs à pillage qu’on appelle les musées. Les moines me laissaient me tenir tout contre et travailler aussi longtemps que je le voulais, et vaquaient au lavage de leurs burettes ou au pliage de leurs chapes sans faire attention à moi. Si quelque prêtre de plus haute dignité entrait, j’avais grand soin de me lever