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de chimie morales, des études de la nature humaine dans ses éléments. Mais j’attache peu de prix à cette fonction ; ils ne sont presque jamais lus avec assez de sérieux pour qu’il leur soit permis de la remplir. Le plus qu’ils puissent faire généralement est d’accroître quelque peu la charité des lectrices dont l’âme est bonne, ou l’amertume de celles qui l’ont maligne ; car chacune trouvera dans les romans de quoi nourrir ses propres penchants. Celles qui sont naturellement orgueilleuses et envieuses apprendront de Thackeray à mépriser l’humanité ; celles qui sont naturellement douces, à la plaindre, et celles qui sont naturellement bonnes, à s’en moquer. De même les romans peuvent nous être d’un précieux service en incarnant devant nous, d’une façon vivante, une vérité humaine que nous avions déjà confusément aperçue ; mais la tentation du pittoresque dans l’exposition est si grande que souvent les meilleurs écrivains de fictions n’y peuvent résister. Ils ont le parti pris si violent de ne vous faire voir qu’un seul côté des choses que la vivacité de leurs peintures est plutôt pernicieuse que bonne.

78. Sans essayer en aucune façon de déterminer ici jusqu’à quel point la lecture des romans doit être permise, laissez-moi du moins affirmer très clairement une chose : qu’on lise des romans, de la poésie ou de l’histoire, tous ces ouvrages devront être choisis non parce qu’il sont exempts de mal, mais parce qu’ils possèdent quelque chose de bon. — Le mal qui peut, par hasard, être émietté ou caché ici ou là dans un livre