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longues années, existence en péril à cause de la folie et de l’obstination des maris, sont sauvés enfin, grâce à la patience et à la royale sagesse des femmes. Dans Mesure pour mesure, la grossière injustice du juge et la grossière lâcheté du frère sont opposées à la victorieuse sincérité et à la pureté de diamant d’une femme. Dans Coriolan, le conseil de la mère suivi en temps utile eût sauvé son fils de tout mal ; l’oubli momentané qu’il en fait cause sa perte ; la prière de sa mère entendue à la fin le sauve, sinon de la mort, du moins de la malédiction de vivre pour devenir le destructeur de son pays.

Et que dirai-je de Julia, fidèle en dépit de la légèreté d’un amant qui n’est qu’un enfant méchant ? D’Hélène, fidèle en dépit de l’impétuosité et des outrages d’un jeune étourdi ? Que dire de la patience de Héro, de l’amour de Béatrice et de la sagesse paisiblement dévouée de l’ignorante enfant[1] qui, au milieu des passions destructives, aveugles et impuissantes des hommes, apparaît comme un ange doux, apportant courage et sécurité par sa seule présence, déjouant les pires astuces du crime par des qualités dont on se figure les femmes le plus dépourvues : la netteté et la rectitude de la pensée.

58. Observer encore que parmi toutes les principales figures des pièces de Shakespeare, nous ne trouvons qu’une seule femme faible de caractère : Ophélie.

  1. « Portia, dans Le Marchand de Venise » (Act. III, sc. II).