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ment — d’idolâtrie. Ceux qui l’ont une fois entendu trouveront bien grossière une « imitation » où rien ne subsiste de son agrément, mais sauront pourtant de qui je veux parler, qui je prends ici pour exemple, quand je leur dirai qu’il reconnaît avec admiration dans l’étoffe où se drape une tragédienne, le propre tissu qu’on voit sur la Mort dans le Jeune homme et la Mort, de Gustave Moreau, ou dans la toilette d’une de ses amies : « la robe et la coiffure mêmes que portait la princesse de Cadignan le jour où elle vit d’Arthez pour la première fois. « Et en regardant la draperie de la tragédienne ou la robe de la femme du monde, touché par la noblesse de son souvenir il s’écrie : « C’est bien beau ! » non parce que l’étoffe est belle, mais parce qu’elle est l’étoffe peinte par Moreau ou décrite par Balzac et qu’ainsi elle est à jamais sacrée… aux idolâtres. Dans sa chambre vous verrez, vivants dans un vase ou peints à fresque sur le mur par des artistes de ses amis, des dielytras, parce que c’est la fleur même qu’on voit représentée à la Madeleine de Vézelay. Quant à un objet qui a appartenu à Baudelaire, à Michelet, à Hugo, il l’entoure d’un respect religieux. Je goûte trop profondément et jusqu’à l’ivresse les spirituelles improvisations où le plaisir d’un genre particulier qu’il trouve à ces vénérations conduit et inspire notre idolâtre pour vouloir le chicaner là-dessus le moins du monde.

Mais au plus vif de mon plaisir je me demande si l’incomparable causeur — et l’auditeur qui se laisse faire — ne pèchent pas également par insincérité ; si parce qu’une fleur (la passiflore) porte sur elle les instruments de la passion, il est sacrilège d’en faire présent à une personne d’une autre religion, et si le fait qu’une maison ait été habitée par Balzac (s’il n’y reste