vail à faire pour notre joie, et celui-là doit être fait avec cœur ; ni l’un ni l’autre ne doivent être faits à moitié ou au moyen d’expédients, mais avec volonté ; et ce qui n’est pas digne de cet effort ne doit pas être fait du tout ; peut-être que tout ce que nous avons à faire ici-bas n’a pas d’autre objet que d’exercer le cœur et la volonté, et est en soi-même inutile ; mais en tout cas, si peu que ce soit, nous pouvons nous en dispenser si ce n’est pas digne que nous y mettions nos mains et notre cœur. Il ne sied pas à notre immortalité de recourir à des moyens qui contrastent avec son autorité, ni de souffrir qu’un instrument dont elle n’a pas besoin s’interpose entre elle et les choses qu’elle gouverne. Il y a assez de songe-creux, assez de grossièreté et de sensualité dans l’existence humaine, sans en changer en mécanisme les quelques moments brillants ; et, puisque notre vie — à mettre les choses au mieux — ne doit être qu’une vapeur qui apparaît un temps puis s’évanouit, laissons-la du moins apparaître comme un nuage dans la hauteur du ciel et non comme l’épaisse obscurité qui s’amasse autour du souffle de la fournaise et des révolutions de la roue. »
J’avoue qu’en relisant cette page au moment de la mort de Ruskin, je fus pris du désir de voir le petit homme dont il parle. Et j’allai à Rouen comme obéissant à une pensée testamentaire, et comme si Ruskin en mourant avait en quelque sorte confié à ses lecteurs la pauvre créature à qui il avait en parlant d’elle rendu la vie et qui venait, sans le savoir, de perdre à tout jamais celui qui avait fait autant pour elle que son premier sculpteur. Mais quand j’arrivai près de l’immense cathédrale et devant la porte où les saints se chauffaient au soleil, plus haut, des galeries où