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tème de M. de la Sizeranne, mais pour empêcher qu’il ne soit rabaissé dans l’esprit des lecteurs par une interprétation fausse, mais naturelle et comme inévitable.

Non seulement la principale religion de Ruskin fut la religion tout court (et je reviendrai sur ce point tout à l’heure, car il domine et caractérise son esthétique), mais, pour nous en tenir en ce moment à la « Religion de la Beauté », il faudrait avertir notre temps qu’il ne peut prononcer ces mots, s’il veut faire une allusion juste à Ruskin, qu’en redressant le sens que son dilettantisme esthétique est trop porté à leur donner. Pour un âge, en effet, de dilettantes et d’esthètes, un adorateur de la Beauté, c’est un homme qui, ne pratiquant pas d’autre culte que le sien et ne reconnaissant pas d’autre dieu qu’elle, passerait sa vie dans la jouissance que donne la contemplation voluptueuse des œuvres d’art.

Or, pour des raisons dont la recherche toute métaphysique dépasserait une simple étude d’art, la Beauté ne peut pas être aimée d’une manière féconde si on l’aime seulement pour les plaisirs qu’elle donne. Et, de même que la recherche du bonheur pour lui-même n’atteint que l’ennui, et qu’il faut pour le trouver chercher autre chose que lui, de même le plaisir esthétique nous est

    m’empêche pas de penser que le livre de M. de la Sizeranne était trop parfait dans les limites que l’auteur s’étaient à lui-même tracées pour avoir rien à perdre de cette concurrence et de cette émulation qui semble se produire sur le terrain de Ruskin, et nous a valu entre autres de curieuses pages de M. Gabriel Mourey et quelques mots définitifs de M. André Beaunier. MM. Bardoux et Brunhes ont déplacé le point de vue et par là renouvelé l’horizon. C’est, toutes proportions gardées, ce que j’avais, un peu avant, essayé de faire ici même.