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On a dit qu’il supprimait la part de l’imagination dans l’art en y faisant à la science une part trop grande. Ne disait-il pas que « chaque classe de rochers, chaque variété de sol, chaque espèce de nuage doit être étudiée et rendue avec une exactitude géologique et météorologique ?… Toute formation géologique a ses traits essentiels qui n’appartiennent qu’à elle, ses lignes déterminées de fracture qui donnent naissance à des formes constantes dans les terrains et les rochers, ses végétaux particuliers, parmi lesquels se dessinent encore des différences plus particulières par suite des variétés d’élévation et de température. Le peintre observe dans la plante tous ses caractères de forme et de couleur… saisit ses lignes de rigidité ou de repos… remarque ses habitudes locales, son amour ou sa répugnance pour telle ou telle exposition, les conditions qui la font vivre ou qui la font périr. Il l’associe… à tous les traits des lieux qu’elle habite… Il doit retracer la fine fissure et la courbe descendante et l’ombre ondulée du sol qui s’éboule et cela le rendre d’un doigt aussi léger que les touches de la pluie… Un tableau est admirable en raison du nombre et de l’importance des renseignements qu’il nous fournit sur les réalités. »

Mais on a dit, en revanche, qu’il ruinait la science en y faisant la place trop grande à l’imagination. Et, de fait, on ne peut s’empêcher de penser au finalisme naïf de Bernardin de Saint-Pierre disant que Dieu a divisé les melons par tranches pour que l’homme les mange plus facilement, quand on lit des pages comme celle-ci : « Dieu a employé la couleur dans sa création comme l’accompagnement de tout ce qui est pur et précieux, tandis qu’il a réservé aux choses d’une utilité seulement matérielle ou aux choses nuisibles les teintes