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interprétations

oreille contre la terre et se bouchant l’autre avec sa queue[1].

Le premier représente l’incrédulité de l’Orgueil. Le basilic — serpent-roi ou le premier des serpents — disant qu’il est Dieu et qu’il sera Dieu.

Le second, l’incrédulité de la Mort. L’aspic (le plus bas serpent) disant qu’il est de la boue et sera de la boue.

34. En dernier lieu, surmontant le tout, placés sous les pieds de la statue du Christ lui-même, sont le lion et le dragon ; les images du péché charnel ou humain, en tant que distinct du péché spirituel et intellectuel de l’orgueil par lequel les anges tombèrent aussi.

Désirer régner plutôt que servir — péché du basilic — ou la mort sourde plutôt que la vie aux écoutes — péché de l’aspic — ces deux péchés sont possibles à toutes les intelligences de l’univers. Mais les péchés spécialement humains, la colère et la convoitise, semences en notre vie de sa perpétuelle tristesse, le Christ dans Sa propre humanité les a vaincus et les vainc encore dans Ses disciples. C’est pourquoi Son

  1. Selon M. Émile Male, le sculpteur d’Amiens s’est inspiré ici d’un passage d’Honorius d’Autun. Voici ce passage (Male, p. 61) : « L’aspic est une espèce de dragon que l’on peut charmer avec des chants. Mais il est en garde contre les charmeurs et quand il les entend, il colle, dit-on, une oreille contre terre et bouche l’autre avec sa queue, de sorte qu’il ne peut rien entendre et se dérobe à l’incantation. L’aspic est l’image du pécheur qui ferme ses oreilles aux paroles de vie. » M. Male conclut ainsi : « Le Christ d’Amiens qu’on appelle communément le Christ enseignant est donc quelque chose de plus : il est le Christ vainqueur. Il triomphe par sa parole du démon, du péché et de la mort. L’idée est belle et le sculpteur l’a magnifiquement réalisée. Mais n’oublions pas que le Speculum Ecclesiæ lui a fourni la pensée première de son œuvre et lui en a dicté l’ordonnance. À l’origine d’une des plus belles œuvres du xiiie siècle on trouve le livre d’Honorius d’Autun (Art religieux au xiiie siècle, p. 62). — (Note du Traducteur.)