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la bible d’amiens.

sommes pas en sympathie avec la conception spirituelle d’où elles sont sorties[1]. Nous parlons follement et misérablement de symboles et d’allégories : dans la vieille architecture chrétienne, toutes les parties de l’édifice doivent être lues à la lettre ; la cathédrale est pour ses constructeurs la Maison de Dieu[2], elle est entourée, comme celle d’un roi terrestre, de logements moindres pour ses serviteurs ; et les glorieuses sculptures du chœur, celles de son enceinte extérieure[3], et à l’intérieur, celles de ses boiseries que, presque instinctivement, un curé anglais croirait destinées à la glorification des chanoines, étaient en réalité la manière du charpentier amiénois de rendre à son Maître-Charpentier[4]

  1. Cf. l’idée contraire dans le beau livre de Léon Brunschwig Introduction à la vie de l’Esprit, chap. iii : « Pour éprouver la joie esthétique, pour apprécier l’édifice, non plus comme bien construit mais comme vraiment beau, il faut… le sentir en harmonie, non plus avec quelque fin extérieure, mais avec l’état intime de la conscience actuelle. C’est pourquoi les anciens monuments qui n’ont plus la destination pour laquelle ils ont été faits ou dont la destination s’efface plus vite de notre souvenir se prêtent si facilement et si complètement à la contemplation esthétique. Une cathédrale est une œuvre d’art quand on ne voit plus en elle l’instrument du salut, le centre de la vie sociale dans une cité ; pour le croyant qui la voit autrement, elle est autre chose (page 97). Et page 112 : « les cathédrales du moyen âge… peuvent avoir pour certains un charme que leurs auteurs ne soupçonnaient pas. » La phrase précédente n’est pas en italique dans le texte. Mais j’ai voulu l’isoler parce qu’elle me semble la contre-partie même de la Bible d’Amiens et, plus généralement, de toutes les études de Ruskin sur l’art religieux, en général. — (Note du Traducteur.)
  2. Cf. le passage concordant de Lectures on Art où est rappelée la vieille expression française de « logeur du Bon Dieu » (Lectures on Art, II, § 60 et suivants).
  3. Voir plus haut sur ces sculptures la note, page 113.
  4. Cf. « Le travail du charpentier, le premier auquel se livra sans doute le fondateur de notre religion » (Lectures on Art, II, § 31). — (Note du Traducteur.)