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sagesse de la mythologie grecque, et ainsi l’histoire du Lion de Némée[1], vaincu avec l’aide d’Athéné, est la véritable racine de la légende du compagnon de saint

  1. De même dans Val d’Arno, le lion de saint Marc descend en droite ligne du lion de Némée, et l’aigrette qui le couronne est celle qu’on voit sur la tête de l’Hercule de Camarina (Val d’Arno, I, § 16, p. 13) avec cette différence indiquée ailleurs dans le même ouvrage (Val d’Arno, VIII, § 203, p. 169) « qu’Héraklès assomme la bête et se fait un casque et un vêtement de sa peau, tandis que le grec saint Marc convertit la bête et en fait un évangéliste ».

    Ce n’est pas pour trouver une autre descendance sacrée au Lion de Némée que nous avons cité ce passage, mais pour insister sur toute la pensée de la fin de ce chapitre de la Bible d’Amiens, « qu’il y a un art sacré classique ». Ruskin ne voulait pas (Val d’Arno) qu’on opposât grec à chrétien, mais à gothique (p. 161), « car saint Marc est grec comme Héraklès ». Nous touchons ici à une des idées les plus importantes de Ruskin, ou plus exactement à un des sentiments les plus originaux qu’il ait apportés à la contemplation et à l’étude des œuvres d’art grecques et chrétiennes, et il est nécessaire, pour le faire bien comprendre, de citer un passage de Saint Marks Rest, qui, à notre avis, est un de ceux de toute l’œuvre de Ruskin où ressort le plus nettement, où se voit le mieux à l’œuvre cette disposition particulière de l’esprit qui lui faisait ne pas tenir compte de l’avènement du christianisme, reconnaître déjà une beauté chrétienne dans des œuvres païennes, suivre la persistance d’un idéal hellénique dans des œuvres du moyen âge. Que cette disposition d’esprit à notre avis tout esthétique au moins logiquement en son essence sinon chronologiquement en son origine, se soit systématisée dans l’esprit de Ruskin et qu’il l’ait étendue à la critique historique et religieuse, c’est bien certain. Mais même quand Ruskin compare la royauté grecque et la royauté franque (Val d’Arno, chap. Franchise), quand il déclare dans la Bible d’Amiens que « le christianisme n’a pas apporté un grand changement dans l’idéal de la vertu et du bonheur humains », quand il parle comme nous l’avons vu à la page précédente de la religion d’Horace, il ne fait que tirer des conclusions théoriques du plaisir esthétique qu’il avait éprouvé à retrouver dans une Hérodiade une canéphore, dans un Séraphin une harpie, dans une coupole byzantine un vase grec. Voici le passage de Saint Marks Rest. « Et ceci est vrai non pas seulement de l’art byzantin, mais de tout art grec. Laissons aujourd’hui de côté le mot de byzan-