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Le devoir qui me fut imposé dans ma première jeunesse[1] de lire chaque mot des évangiles et des prophéties, comme s’il avait été écrit par la main de Dieu, me donna l’habitude d’une attention respectueuse qui, plus tard, rendit bien des passages des auteurs profanes, frivoles pour un lecteur irréligieux, profondément graves pour moi. Jusqu’à quel point mon esprit a été paralysé par les fautes et les chagrins de la vie[2],

    de la Fontaine de Brundusium, en le Faune de sa colline et en la protection des grands Dieux est constante, profonde et effective » (Fors Clavigere, lettre XCII, 111.) — (Note du Traducteur.)

  1. Voir Præterita, I. — (Note du Traducteur.)
  2. Cf. Præterita, I, XII : « J’admire ce que j’aurais pu être si à ce moment-là l’amour avait été avec moi au lieu d’être contre moi, si j’avais eu la joie d’un amour permis et l’encouragement incalculable de sa sympathie et de son admiration. » C’est toujours la même idée que le chagrin, sans doute parce qu’il est une forme d’égoïsme, est un obstacle au plein exercice de nos facultés. De même plus haut (page 224 de la Bible): « toutes les adversités, qu’elles résident dans la tentation ou dans la douleur » et dans la préface d’Arrows of the Chace. « J’ai dit à mon pays des paroles dont pas une n’a été altérée par l’intérêt ou affaiblie par la douleur. » Et dans le texte qui nous occupe chagrin est rapproché de faute comme dans ces passages tentation de peine et intérêt de douleur. « Rien n’est frivole comme les mourants, » disait Emerson. À un autre point de vue, celui de la sensibilité de Ruskin, la citation de Præterita : « Que serais-je devenu si l’amour avait été, avec moi au lieu d’être contre moi, » devrait être rapprochée de cette lettre de Ruskin à Rossetti, donnée par M. Bardoux : « Si l’on vous dit que je suis dur et froid, soyez assuré que cela n’est point vrai. Je n’ai point d’amitiés et point d’amours, en effet ; mais avec cela je ne puis lire l’épitaphe des Spartiates aux Thermopyles, sans que mes yeux se mouillent de larmes, et il y a encore, dans un de mes tiroirs, un vieux gant qui s’y trouve depuis dix-huit ans et qui aujourd’hui encore est plein de prix pour moi. Mais si par contre vous vous sentez jamais disposé à me croire particulièrement bon, vous vous tromperez tout autant que ceux qui ont de moi l’opinion opposée. Mes seuls plaisirs consistent à voir, à penser, à lire et à rendre les autres hommes heureux, dans la mesure où je puis le faire, sans nuire à mon propre bien. » — (Note du Traducteur.)