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fort peu d’attention aux raisons de la conduite des hommes du moyen âge qui paraissent logiques aux rationalistes, et probables aux politiciens[1]. Nous nous occuperons seulement de ce que ces singuliers et fantastiques chrétiens du passé dirent d’audible et firent de certain.

La vie de Jérôme ne commence en aucune façon comme celle d’un moine de Palestine ; Dean Milman ne nous a pas expliqué comment celle d’aucun homme le pourrait ; mais l’enfance de Jérôme en tout cas fut tout autre que recluse, ou précocement religieuse. Il était né de riches parents vivant de leur propre bien ; c’est peut-être le nom de sa ville natale au nord de l’Illyrie (Stridon) qui s’est adouci aujourd’hui en Strigi, près d’Aquileja[2]. En tout cas c’était sous le cli-

  1. L’habitude de supposer à la conduite d’hommes de sens et de cœur des motifs intelligibles aux insensés et probables à ceux qui ont l’âme basse, prévaut, chez tous les historiens vulgaires, en partie par la satisfaction, en partie par l’orgueil qu’ils en ressentent ; et il est horrible de contempler la quantité de faux témoignages contre leurs voisins que portent des écrivains médiocres, simplement pour arrondir leurs jugements superficiels et leur donner plus de force. « Jérôme admet, en effet, avec une humilité spécieuse mais sujette à caution, l’infériorité du moine non ordonné au prêtre ordonné », dit Dean Milman, dans son chapitre xi, faisant suivre son doute gratuit sur l’humilité de Jérôme d’une affirmation non moins gratuite de l’ambition de ses adversaires. « Le clergé, cela est hors de doute, eut la sagesse de deviner le rival dangereux, quant à l’influence et l’autorité, qui apparaissait dans la société chrétienne. — (Note de l’Auteur.)
  2. Le meilleur endroit pour lire ce chapitre est l’église San Giorgio di Schiavoni à Venise. On prend une gondole et dans un calme canal, un peu avant d’arriver à l’infini frémissant et miroitant de la lagune on aborde à cet « Autel des Esclaves » où on peut voir (quand le soleil les éclaire) les peintures que Carpaccio a consacrées à saint Jérôme. Il faut avoir avec soi Saint Marks Rest et lire tout entier le chapitre dont je donne ici un impor-