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instruites, et mieux approvisionnées, nourrit d’extrait de bœuf et de crocodile mis en pot[1].

2. De ces conceptions chimiquement analytiques d’un Paradis dans les catacombes, qui n’est troublé dans ses vertus alcalines ou acides ni par la crainte de la Divinité, ni par l’espoir de la vie future, je ne sais jusqu’à quel point le lecteur moderne pourra consentir à s’abstraire quelque temps pour entendre parler d’hommes qui dans leurs jours les plus sombres et les moins sensés cherchèrent par leur labeur à faire du désert même le jardin du Seigneur et par leur amour à mériter la permission de vivre avec lui pour toujours.

Et pourtant jusqu’ici ce n’est jamais que dans un tel travail et dans une telle espérance que l’homme a pu trouver le bonheur, le talent et la vertu ; et même à la veille de la nouvelle loi et au seuil du Chanaan promis, riche en béatitudes de fer, de vapeur et de feu, il en est çà et là quelques-uns parmi nous qui dans un sentiment de piété filiale s’arrêteront pour jeter un regard en arrière vers cette solitude du Sinaï, où leurs pères adorèrent et moururent.

3. Même en admettant pour le moment que les larges rues de Manchester, le district qui entoure immédiatement la Banque de Londres, la Bourse et les boulevards de Paris, fassent déjà partie du futur royaume du Ciel où la Terre sera tout Bourse et Boulevards, l’Univers dont nos pères nous entretiennent était divisé selon eux, comme vous le savez déjà, à la fois en

  1. « On vous a appris que, puisque vous aviez des tapis…, des « kickshaws » au lieu de bœuf pour votre nourriture, des égouts au lieu de puits sacrés pour votre soif, vous étiez la crème de la création et chacun de vous un Salomon » (Pleasures of England, p. 49, cité par M. Bardoux, p. 237).