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fluence de l’Évangile qui persuade et purifie le cœur d’un véritable converti. Son règne ambitieux fut une violation perpétuelle des devoirs moraux et chrétiens : ses mains furent tachées de sang dans la paix comme dans la guerre ; et, dès que Clovis se fût débarrassé d’un synode de l’Église Gallicane, il assassina avec tranquillité tous les princes de la race mérovingienne. »

47. C’est trop vrai[1] ; mais d’abord c’est de la rhétorique — car nous aurions besoin qu’on nous dise combien étaient tous les princes — en second lieu nous devons remarquer qu’en admettant que Clovis ait à un degré quelconque « étudié les Écritures » telles qu’elles étaient présentées au monde occidental par saint Jérôme, il était à présumer que lui, roi-soldat, penserait davantage à la mission de Josué[2] et de Jéhu qu’à la patience

  1. Dans tout ce portrait de Clovis se fait jour, chez Ruskin, une tendance à ne pas donner de la dureté une interprétation morale trop défavorable, tendance qui existe aussi, il me semble, chez Carlyle (voir dans Carlyle, Cromwell, etc.). En ceci, il y a, je crois, deux choses. D’abord, une sorte de don historique ou sociologique qui sait découvrir dans des actions en apparence identiques une intention morale différente, selon le temps et la civilisation, et apparenter les formes extrêmement diverses que revêt une même moralité ou immoralité à travers les âges. Ce don existe à un très haut degré chez des écrivains comme Ruskin, et plus encor chez George Eliot. Il existe aussi chez M. Tarde. Deuxièmement une sorte de goût, d’imagination assez naturel chez un lettré très bon pour la sauvagerie inculte. Ce goût se reconnait même parfois jusque dans les lettres de Ruskin, à une certaine affectation de dureté et de non-conformisme. Lire dans le livre de M. de la Sizeranne, page 61, la réponse de Ruskin à un révérend endetté : « Vous devriez mendier d’abord ; je ne vous défendrais pas de voler si cela était nécessaire. Mais n’achetez pas de choses que vous ne puissiez payer. Et de toutes les espèces de débiteurs les gens pieux qui bâtissent des églises sont, à mon avis, les plus détestables fous. Et vous êtes, de tous, les plus absurdes, etc., etc. » — (Note du Traducteur.)
  2. La légende s’empara plus tard de ce rapprochement et les