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parmi les trésors consacrés à Reims. Ceci est le premier point sur lequel les historiens populaires n’insistent pas, et qu’un de ses guerriers qui réclama l’égal partage du trésor préféra aussi ignorer. Le vase était demandé par le roi en supplément de sa propre part et les chevaliers francs tout en rendant fidèle obéissance à leur roi comme chef n’avaient pas la moindre intention de lui accorder ce que des rois plus modernes appellent des taxes « régaliennes » prélevées sur tout ce qu’ils touchent. Et un de ces chevaliers ou comtes francs, un peu plus franc que les autres et aussi incrédule à la sainteté de saint Rémi qu’un évêque protestant ou un philosophe positiviste, prit sur lui de discuter la prétention du roi et de l’Église, à la façon, supposez, d’une opposition libérale à la Chambre des Communes ; et la discuta avec une telle confiance d’être soutenu par l’opinion publique du Ve siècle, que le roi persistant dans sa requête le soldat sans peur mit le vase en pièces avec sa hache de guerre en s’écriant : « Tu n’auras pas plus que ta part de butin. »

42. C’est la première et nette affirmation de la « Liberté, Fraternité et Égalité » françaises, soutenue alors comme maintenant par la destruction qui est la seule manifestation artistique active possible à des personnages « libres », incapables de rien créer.

Le roi ne donna pas suite à la querelle. Les poltrons penseront qu’il en resta là par poltronnerie, et les méchants par méchanceté. Il est certain, en tous cas c’est fort à croire, qu’il en resta là ; mais il attendit son heure ; ce que la colère d’un homme fort peut toujours, ainsi que s’échauffer plus ardemment dans l’attente, et c’est une des principales raisons pourquoi on enseigne aux chrétiens de ne pas laisser le soleil se coucher sur