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de prêtres russes venant de Jérusalem occupés à murmurer la messe. À un yard de distance, à droite ou à gauche, est assis un pèlerin turc revenant de la Mecque, respectueux spectateur de la scène. C’est en effet la prière et, par conséquent, quelque chose de sacré à ses yeux. De même aussi quand l’heure du soir est venue, et que le Turc étend son morceau de tapis pour les prières du coucher du soleil et les salutations vers la Mecque, le Grec regarde en silence sans aucun air de dédain, car il s’agit encore de l’adoration du Créateur par sa créature. Tous deux accomplissent la première loi de l’Orient, la prière à Dieu ; et que l’autel soit Jérusalem, la Mecque ou Lassa[1], la sainteté du culte se communique au fidèle et protège le pèlerin.

Dans cette société vient l’Anglais généralement dépourvu de tout sentiment de sympathie pour les prières d’aucun peuple ou la foi en aucune idée religieuse ; c’est pourquoi notre autorité en Orient a toujours reposé et reposera toujours sur la baïonnette. Nous n’avons jamais pu dépasser l’état de conquête ; jamais assimilé un peuple à nos coutumes, jamais même civilisé une seule tribu dans le vaste domaine de notre empire. Il est curieux de voir combien il arrive souvent qu’un Anglais bien intentionné parle d’une église ou d’un temple étranger comme si son esprit le voyait sous le même jour où la cité de Londres apparaissait à Blucher, comme un objet de pillage. L’autre idée, à savoir qu’un prêtre est un homme bon à être pendu, est une idée aussi souvent observable dans

  1. Capitale du Thibet. Aux environs de Lassa le Dalaï Lama habite dans un monastère. C’est un lieu de pèlerinage extrêmement fréquenté. — (Note du Traducteur.)