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frais. Nuit par nuit, pour lui le ruisseau murmure, jour par jour, les feuilles de la vigne lui donnent leur ombre ; et le soleil, son héraut, trouant l’horizon chaque jour rapproché, descend pour lui dans l’eau qu’il empourpre — là, où maintenant, la paysanne trotte vers la maison entre ses paniers, où la scie est arrêtée dans le bois à demi fendu, et où le clocher du village s’élève gris contre la lumière la plus éloignée dans le Bord de la Loire de Turner[1].

32. Toutes choses que je ne vous ai pas racontées, à présent, bien qu’elles ne soient pas par elles-mêmes sans profit, sans avoir pour cela une raison spéciale, qui était de vous rendre capables de comprendre la signification d’un fait qui marqua le début de la marche de Clovis dans le sud contre les Wisigoths.

Ayant passé la Loire à Tours, il traversa les domaines de l’abbaye de Saint-Martin qu’il déclara inviolables, et refusa à ses soldats l’autorisation de toucher à rien, excepté à l’eau et à l’herbe pour leurs chevaux. Ses ordres furent si sévères et si inflexible la rigueur avec laquelle il exigea qu’ils fussent obéis, qu’un soldat franc ayant pris sans le consentement du propriétaire du foin qui appartenait à un pauvre homme, et disant en plaisantant « que ce n’était que de l’herbe », il fit mettre l’agresseur à mort, s’écriant qu’« on ne pouvait attendre la victoire, si l’on offensait saint Martin ».

33. Maintenant remarquez-le bien, ce passage de la Loire à Tours contient en puissance l’accomplissement des propres destinées du royaume de France et la devise de son pouvoir reconnu et sûrement établi est : « Honneur aux pauvres ! » Même un peu d’herbe ne

  1. Modern Painters, planche LXXIII. — (Note de l’Auteur.)