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près rempli. Et, s’il ne l’a pas senti, il pourra écrire tous les livres du monde sur Ruskin : l’Homme, l’Écrivain, le Prophète, l’Artiste, la Portée de son Action, les Erreurs de la Doctrine, toutes ces constructions s’élèveront peut-être très haut, mais à côté du sujet ; elles pourront porter aux nues la situation littéraire du critique, mais ne vaudront pas, pour l’intelligence de l’œuvre, la perception exacte d’une nuance juste, si légère semble-t-elle.

Je conçois pourtant que le critique devrait ensuite aller plus loin. Il essayerait de reconstituer ce que pouvait être la singulière vie spirituelle d’un écrivain hanté de réalités si spéciales, son inspiration étant la mesure dans laquelle il avait la vision de ces réalités, son talent la mesure dans laquelle il pouvait les recréer dans son œuvre, sa moralité, enfin, l’instinct qui, les lui faisant considérer sous un aspect d’éternité (quelque particulières que ces réalités nous paraissent), le poussait à sacrifier au besoin de les apercevoir et à la nécessité de les reproduire pour en assurer une vision durable et claire, tous ses plaisirs, tous ses devoirs et jusqu’à sa propre vie, laquelle n’avait de raison d’être que comme étant la seule manière possible d’entrer en contact avec ces réalités, de valeur que celle que peut avoir pour un physicien un instrument indispensable à ses expériences. Je n’ai pas besoin de dire que cette seconde partie de l’office du critique, je n’ai pas essayé de la remplir ici à l’égard de Ruskin. Cela pourra être l’objet de travaux ultérieurs. Ceci n’est qu’une traduction, et, pour les notes, la plupart du temps je me suis contenté d’y donner la citation qui me paraissait juste sans y ajouter de commentaires. Quelques notes cependant sont plus