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dont ne sont pas privées non plus nos industries écossaises et irlandaises. Il a vu se dresser des falaises du plus pur calcaire, mais sur la rive opposée la perfide Albion ne luit pas moins blanche au-delà du bleu. Il a vu des eaux pures sourdre du rocher neigeux, mais les nôtres sont-elles moins brillantes à Croydon, à Guildford et à Winchester ? Et cependant personne n’a jamais entendu parler de trésors envoyés des sables de Solway aux Africains ; ni que les architectes de Romsay eurent pu donner des leçons de couleurs aux architectes de Grenade. Qu’y a-t-il donc dans l’air ou le sol de ce pays, dans la lumière de ses étoiles ou de son soleil qui ait pu mettre cette flamme dans les yeux de la petite Amiénoise en cape blanche au point de la rendre capable de rivaliser elle-même avec Pénélope[1].

4. L’intelligent voyageur anglais n’a pas, bien entendu, de temps à perdre à aucune de ces questions. Mais, s’il a acheté son sandwich au jambon et s’il est prêt pour le : « En voiture, Messieurs ! » peut-être pourra-t-il condescendre à écouter pour un instant un flâneur qui ne gaspille ni ne compte son temps et qui pourra lui indiquer ce qui vaut la peine d’être regardé

  1. Le nom de Pénélope, évoqué ici à propos d’une petite Picarde, l’est dans The Story of Arachné à propos d’une ouvrière normande. « Arachné était une jeune fille lydienne d’une pauvre famille. Et comme devraient faire toutes les jeunes filles, elle avait appris à filer et à tisser, et non pas seulement à tisser et à tricoter de bons vêtements solides mais à les couvrir d’images, comme vous le savez, on dit que Pénélope en a tissées, ou comme celles que la reine de notre propre Guillaume le Conquérant broda. Desquelles il ne subsiste plus que celles de Bayeux en Normandie, connues du monde entier sous le nom de la Tapisserie de Bayeux. » (Verona and other lectures, II, The Story of Arachné, § 18.) — (Note du Traducteur.)