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LA BIBLE D’AMIENS

où son train, ralentissant son allure, le roule avec beaucoup plus que le nombre moyen des bruits et des chocs attendus à l’entrée de chaque grande gare française, afin de rappeler par des sursauts le voyageur somnolent ou distrait au sentiment de sa situation. Il se souvient aussi probablement que, à cette halte, au milieu de son voyage, il y a un buffet bien servi où il a le privilège de « dix minutes d’arrêt ». Il n’est toutefois pas aussi clairement conscient que ces dix minutes d’arrêt lui sont accordées à moins de minutes de marche de la grande place d’une ville qui a été un jour la Venise de la France. En laissant de côté les îles des lagunes, la « Reine des Eaux » de la France était à peu près aussi large que Venise elle-même ; et traversée non par de longs courants de marée montante et descendante[1], mais par onze beaux cours d’eau à truites (dont quatre ou cinq sont à peu près aussi larges, chacun, que notre Wandle

    — Pise seulement en 1840 — et je ne pus comprendre la puissance complète d’aucun de ces trois grands spectacles que beaucoup plus tard. Mais, pour Abbeville, qui est comme la préface et l’interprétation de Rouen, j’étais déjà alors en état de la comprendre et je sentis qu’il y avait là, pour moi accès immédiat dans un travail sain et dans la joie.

    … Mes bonheurs les plus intenses, je les ai connus dans les montagnes. Mais comme plaisir joyeux et sans mélange, arriver en vue d’Abbeville par une belle après-midi d’été, sauter à terre dans la cour de l’hôtel de l’Europe et descendre la rue en courant pour voir Saint-Wulfran avant que le soleil ait quitté les tours, sont des choses pour lesquelles il faut chérir le passé jusqu’à la fin. De Rouen et de sa cathédrale ce que j’ai à dire trouvera place, si les jours me sont donnés, dans Nos Pères nous ont dits. » (Præterita, I, ix, § 172, 180, 181.) — (Note du Traducteur.)

  1. Cf. Præterita, l’impression des lents courants de marée montante et descendante le long des marches de l’hôtel Danielli, − (Note du Traducteur.)