d’Europe est en effet le chef-d’œuvre de l’esprit humain et de la civilisation, nous ne pourrions pas pour cela reconnaître qu’il faille un mérite aussi grand, des facultés aussi étendues, pour en imiter les ressorts. Il est évident que l’administration d’Haïti n’est, en dépit des formes républicaines, qu’une pure imitation de la bureaucratie européenne, telle qu’elle est née de la révolution française et du gouvernement impérial.
Au surplus, la véritable supériorité des blancs sur les Nègres n’est pas uniquement dans les choses extérieures. Si, par exemple, il s’agit d’instruction, l’on trouve non-seulement en Amérique, mais encore en Europe, des milliers de blancs qui ne sont pas aussi bien élevés, qui le sont même plus mal que des milliers de Nègres. Il s’agit plutôt d’une supériorité intrinsèque et organique ; elle crée entre le Nègre et le blanc les mêmes rapports, en quelque sorte, que ceux qui existent de la part de la femme ou de l’enfant envers l’homme. C’est ce qui est fort remarquable surtout dans le pouvoir exercé par le blanc sur le Nègre en fait de magnétisme animal. Cette supériorité s’expliquerait peut-être par une plus grande intensité du système nerveux, par une plus grande activité de ses fonctions, par une plus grande harmonie dans toutes les circonstances de la vie, du moins nous pouvons, en partant de faits connus, en conclure l’existence de ces qualités en notre faveur : tous les jours il arrive des choses qui, abstraction faite de l’avantage de la civilisation, prouvent une supériorité réelle et physique du blanc sur le Nègre, et nul n’est plus disposé à la reconnaître que le Nègre lui-même ; de sorte que, là même où la contrainte agit, il s’établit entre le Nègre et le blanc des relations qui tiennent beaucoup de celles du fils avec le père, et rien n’est plus facile à un bon maître que de convertir l’esclavage en un bienfait pour les deux parties. Que si l’on voulait conclure de cette infériorité du Nègre à la nécessité de l’esclavage on ferait peut-être mieux d’en tirer une autre conséquence ; c’est que le fait de cette prépondérance de la part du blanc dispenserait de la sanction légale, et que les seuls abus pourraient amener du danger ; car les noirs, tout en reconnaissant notre prééminence, ont cependant à leur disposition assez de forces physiques pour repousser violemment un joug trop pesant : une fois irrités et poussés à l’excès, ils ne connaissent plus de bornes ; les forces physiques des blancs cèdent alors à leur effroyable fureur comme il faut céder aux puissances de la nature. Le blanc est à son tour saisi d’une terreur semblable à celle que le Nègre éprouve dans ses relations ordinaires avec les blancs.
Mais tous ces raisonnemens sont aussi loin de conduire à un résultat satisfaisant que ceux sur les droits innés de l’humanité. En dernière analyse, la persuasion que l’homme a le droit d’être libre, ne peut reposer que sur une croyance qui est