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l’époque précédente avait fait naître et fomentés. Ce fut partout avec une véritable fureur que les marchands d’esclaves excitèrent les princes et les chefs de la côte contre les missionnaires ; ils prodiguèrent les présens, ils promirent des gains rapides, enfin ils employèrent l’eau-de-vie, ce poison auquel le Nègre ne résiste jamais, et bientôt ces missionnaires furent obligés d’abandonner ces peuples à la perte à laquelle ils semblent être condamnés pour toujours. La suppression du commerce des esclaves fut l’un des engagemens sacrés contractés par les maîtres de l’Europe envers l’humanité aux congrès de Paris, de Vienne et d’Aix-la-chapelle ; mais jusqu’à ce jour, en dépit de l’infatigable activité et des représentations de l’Angleterre toujours reproduites de la manière la plus pressante, rien d’essentiel n’a été fait pour l’accomplissement de cet engagement. Il y eut des demi-mesures, des lois et des ordonnances insuffisantes pour le fond des choses, ou bien dont le but apparent était manqué par suite de la négligence volontaire apportée dans l’exécution. Tout cela n’eut d’autre effet que de rendre le commerce des esclaves plus lucratif et par conséquent d’en augmenter l’attrait, de le livrer entre les mains d’hommes qui sont le rebut des nations maritimes, enfin de lui donner une extension et un caractère de violence et de cruauté qui n’avait jamais été poussé au même point. Les bâtimens négriers sont la plupart disposés de manière à pouvoir opposer de la résistance aux vaisseaux anglais qui croisent dans ces parages pour faire exécuter, autant que le permet le droit mutuel de visite, les lois prononcées contre la traite des esclaves. Ces négriers ne craignent point, lorsqu’il s’agit de compléter leur cargaison, d’enlever les habitans de la côte et les riverains des grands fleuves ; il est prouvé aussi que souvent ces bâtimens exercent la piraterie. Les combats entre eux et les croisières anglaises sont très-fréquens. Toutefois là où la résistance à force ouverte n’est pas possible, il existe, pour éluder les lois, un système organisé de parjure et de fraude qui passe toute croyance, et dont l’impudence a gagné depuis le dernier matelot jusqu’au fonctionnaire le plus éminent dans les colonies des nations qui déshonorent leur pavillon par ce trafic.

Après tant de preuves palpables et réitérées du peu de foi que l’on peut accorder aux paroles trompeuses des autres puissances, on ne fonde l’espérance de voir enfin cesser ce déplorable état que sur la possibilité d’une crise politique quelconque, qui rendrait au pavillon britannique la domination exclusive de la côte africaine. Le gouvernement anglais, pendant une longue suite d’années et dans une multitude de circonstances, a démontré que ses intentions sur l’abolition de la traite des Nègres étaient sérieuses, et quoique nous ne puissions avoir une grande confiance dans la générosité et dans l’humanité de ce gouvernement, nous trouvons une garantie sûre