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langues et les races de peuples, par exemple, en ce qui concerne les langues de famille indo-germanique, qui appartiennent aux peuplades germaniques et aux Hindous, quoique ces deux nations fassent partie de races d’hommes différentes.

Il y a dans les rapports entre les familles de langues et les familles de peuples des choses qui font croire à une action réciproque et continuelle, née de l’union des diverses races, de la fusion de ces langues et des progrès de la civilisation ; et, pour en citer un exemple, nous dirons qu’il serait peut-être difficile de décider si la civilisation plus avancée des Guaranis et des Tupis a été la cause de l’usage plus général de la lingoa geral, ou si elle n’en a été que la conséquence. Si, de l’état où nous voyons les sauvages du Brésil et leurs langues, nous faisons quelques pas rétrogrades, il nous sera facile d’en revenir, au moyen de cette supposition, à l’époque où les sons qu’on essayait pour désigner les objets extérieurs, étaient encore plus informes et plus rares. Dispersés par le besoin de se nourrir, les enfans de plusieurs couples, ou même d’un seul couple, ont pu oublier les premiers germes d’une langue que cependant ils avaient apprise en commun. Éloignés les uns des autres, ils ont dû modifier cette langue ou même en créer de nouvelles ; enfin, après plusieurs générations, des races issues de la même souche, et en ligne directe, venant à se rencontrer de nouveau, durent avoir des langues toutes différentes. Une autre fusion s’opéra quand la civilisation eut élevé ces petites agrégations à de grandes sociétés. C’est là, sans doute, ce qui sera arrivé pour les Guaranis, pour les Tupis, et encore bien plus pour les habitans du Pérou et de la haute plaine de l’Amérique méridionale. Mais revenons à notre sujet.

Les anciens auteurs divisent les habitans du Brésil en Tupis et en Tapuyas ; et cette division est fondée en partie sur la langue, en partie sur l’organisation physique, en partie enfin sur des traditions et sur des faits historiques. Les langues des Tupis ont une certaine analogie entre elles et de plus avec celle des Guaranis, voisins du Paraguay : elles sont issues de celle que les Portugais appellent lingoa geral, parce qu’elle est commune à beaucoup de peuplades répandues dans le sud de l’Amérique. Au contraire, les langues des Tapuyas n’ont, les unes avec les autres, que fort peu d’analogie, et n’en ont point du tout avec la lingoa geral. Les différences d’organisation physique sont moins sensibles. Les Tupis et les Tapuyas ont des caractères communs très-prononcés : ils ont la couleur de la race mongole d’Asie, et leur crâne est conformé de même. Ce qui les distingue surtout, c’est que les Tapuyas ont des membres plus robustes, une taille plus élevée, et en quelque sorte une tournure plus humaine. Néanmoins ces caractères ne sont pas si tranchans qu’on en puisse conclure qu’il y a une différence de souche, et encore bien moins une différence de race : peut-être