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abandonnée à elle-même. Plus tard, l’amiral hollandais Petrid ne put point pousser ses avantages au-delà de la dévastation des côtes ; mais les moyens de défense, ou le peu de zèle de l’autorité, ne permirent point de seconder les généreux et héroïques efforts du pays contre les Hollandais. La glorieuse restauration qui éleva la maison de Bragance au trône de Portugal, en séparant cette puissance de l’Espagne, s’accomplit avec un égal enthousiasme dans le Brésil, et la domination espagnole finit sans que personne essayât de tirer l’épée pour elle.

Depuis lors jusqu’à nos jours Bahia gagna beaucoup en étendue, en population, en importance commerciale, et si les progrès ne furent pas rapides, du moins ils furent continus. Néanmoins l’histoire de cette ville est aussi insignifiante que l’est pour la même époque celle des autres colonies portugaises. Le seul événement qui mérite d’être rappelé, c’est la translation du siège du gouvernement de Bahia à Rio-Janeiro, mesure qui fut exécutée sous le ministère du marquis de Pombal. Sans doute Bahia y perdit beaucoup de sa splendeur et de son importance politique ; mais la translation fut plus profitable que nuisible aux commerçans de cette ville. Cela n’empêche point qu’il n’en soit résulté un mécontentement fort grand parmi les habitans de Bahia et des provinces septentrionales : on affecta des habitudes d’indépendance, ce qui devint assez facile à raison de la distance, et cette disposition dure encore aujourd’hui. Les derniers événemens de Bahia l’ont prouvé ; car, si les mouvemens dont Rio-Janeiro était le foyer, ont trouvé tant de résistance dans les provinces septentrionales, c’est, on ne saurait le nier, à cet esprit d’indépendance locale et à la jalousie de Bahia contre Rio qu’il faut l’attribuer. En 1821, il est vrai, ce furent les troupes portugaises en garnison à Bahia qui, avant d’en avoir reçu l’ordre et contre le gré du prince régent, proclamèrent la constitution portugaise et s’opposèrent violemment à toute séparation du Brésil d’avec la métropole ; mais une grande partie de la population favorisa cette résistance des troupes, soit par sa participation, soit par une indifférence que l’on ne pouvait nullement confondre avec un véritable attachement à la métropole, mais qu’il faut attribuer plutôt à des vœux et à des plans que l’avenir développera tôt ou tard, quoiqu’ils soient, quant à présent, comprimés par la main puissante qui étend sa domination sur le Brésil. En 1824 le repos de Bahia n’a été troublé que par la sédition d’une partie de la garnison et par le meurtre du commandant Felisberta Caldeira ; crime qui n’eut pas d’autre suite, et qui peut-être n’avait pas d’autre but.