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La mort du roi Don Sébastien dans la malheureuse bataille d’Alcaçar eut pour conséquence la réunion du Portugal et du Brésil à l’Espagne. Il y eut de la part du gouvernement espagnol tant de négligence, tant de mauvais vouloir à l’égard de cette colonie, que ce fut une espèce de provocation, une occasion fournie tout naturellement aux ennemis de cette puissance pour tenter une attaque sur le Brésil. En 1625 la Compagnie hollandaise des Indes occidentales arma une flotte de soixante voiles pour s’emparer de cette proie, qui, d’après les apparences et les renseignemens qu’on avait recueillis, devait être d’une conquête facile. Quoique la cour d’Espagne fût informée de ces armemens et du but de l’expédition, elle ne fit rien pour s’y opposer, et quand une division de la flotte hollandaise parut devant Bahia, sous les ordres de Willekens, le gouverneur Diego de Mendoza n’avait pour défendre la capitale que quatre-vingts hommes de troupes de ligne ; quant aux hommes de la milice, ils avaient plus d’aversion pour le joug espagnol que pour les Hollandais, et même, à certains égards, ils regardaient ceux-ci comme des alliés et des libérateurs ; ils se dispersèrent donc sans la moindre résistance. Mais le gouverneur défendit si vaillamment son palais, où il s’était retranché avec sa troupe, que les Hollandais lui concédèrent la faculté de se retirer où il voudrait. Cependant ils ne tinrent point leur parole, et dès qu’il eut posé les armes, ils le déclarèrent prisonnier et le renvoyèrent en Europe. Peu de temps après que Willekens se fut emparé de Bahia, le reste de la flotte hollandaise y arriva conduite par Vandoort, qui prit le commandement supérieur ; bientôt néanmoins l’événement prouva que ce n’était pas la lâcheté des Brésiliens qui avait rendu sa victoire si facile, et que la cause en était d’abord dans la négligence du gouvernement, puis, de la part du peuple, dans le défaut de dévouement et de confiance. Révoltés de l’avarice grossière des Hollandais, les habitans de Bahia et de toute la province se réunirent dans les cantons les moins habités du pays. L’évêque Marcos Tejeira se mit à leur tête, et les Hollandais furent en très-peu de temps réduits à ne plus posséder que la capitale ; la province toute entière était en révolte ouverte. Cette énergique insurrection donna à la cour d’Espagne le temps d’armer une flotte pour secourir le Brésil. En 1625, Don Fadrique de Tolède parut devant Bahia, et après un siège d’un mois, il contraignit la garnison hollandaise à se rendre. Depuis lors les Hollandais ne purent plus réussir à s’établir à Bahia ; la flotte qu’ils envoyèrent pour opérer une nouvelle tentative, fut battue par Don Fadrique. Mais en revenant en Espagne, la flotte de ce dernier eut tant à souffrir de la tempête, qu’il ne put rentrer à Cadix qu’avec fort peu de bâtimens, qui étaient dans le plus mauvais état. Bahia fut désormais