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Sergipe del Rey, Ilheos, etc., est florissant, et va toujours s’améliorant. Pendant la domination portugaise, le gouverneur comte dos Arcos, le même qui fut depuis ministre de la marine, embellit beaucoup Bahia et la dota de beaucoup d’établissemens utiles. Sous son administration, qui dura plusieurs années, on vit s’élever une verrerie, une imprimerie, une bourse, un théâtre ; les promenades furent rendues plus belles, plus spacieuses ; il fonda la bibliothèque, créa des écoles et fit naître chez les habitans le goût des sciences.

L’histoire de Bahia ne manque pas d’intérêt, et ce pays est en général si pauvre en souvenirs, qu’elle mérite d’être indiquée. En 1516 le roi Jean III, conformément au système de colonisation alors usité, investit don Francisco Pereira Coutinho de toute la côte depuis la Punta de San Antonio jusqu’au fleuve San Francisco. Lorsque Coutinho aborda dans la Bahia de Todos os Santos pour y fonder son établissement, il trouva parmi les Tupimmbas qui l’habitaient un Portugais qui s’appelait Alvares Correa ; plusieurs années auparavant une tempête l’avait jeté sur cette plage, et il s’était uni à une Indienne, fille d’un chef. Cet Alvares était parvenu à se former un parti puissant, et son crédit d’abord favorisa beaucoup l’établissement de ses compatriotes. Mais il ne tarda pas à éclater des dissensions entre les Portugais et les Tupinambas ; car Coutinho, loin de réprimer les violences de ses subordonnés, assurait leur impunité en leur donnant lui-même de toute sorte d’excès. Correa, qui voulut protéger ses anciens amis contre les nouveaux colons, fut arrêté par ordre de Coutînho. Alors Paraguaçu, son épouse, appela à la vengeance son père et sa tribu, et il fallut peu de temps pour contraindre Coutinho à quitter la contrée ; il s’enfuit à Ilhéos, emmenant avec lui son prisonnier. Il y aurait vraiment matière à un roman, ou à un poème héroïque, si, pour nous faire une idée de cette héroïne des Tupinambas, nous pouvions oublier l’aspect repoussant des Indiennes de nos jours. Après quelque temps, une faction qui s’était formée chez les Tupinambas invita Coutinho à revenir, et comme ses vaisseaux entraient dans la baie, survint une violente tempête qui les jeta sur la côte de l’île Itaparica, où ils furent tous brisés ; lui et tous ceux de ses compagnons qui purent échapper au naufrage, tombèrent au pouvoir des Tupinambas et furent mangés comme étant de bonne prise. Cette catastrophe rendit la liberté à Alvares Correa ; les Indiens lui firent bon accueil, et il vécut encore fort long-temps parmi eux. Par la mort de Coutinho ce pays fit retour à la couronne de Portugal. Jean III, voyant tout le parti qu’on pouvait tirer de la baie de Todos os Santos, résolut d’y fonder la capitale de tout le Brésil. Pour accomplir l’entreprise, on fit partir cinq gros vaisseaux, six cents volontaires et quinze cents