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aussi voit-on beaucoup de nègres et de gens du commun s’en occuper avec ardeur, et boire ensuite au cabaret voisin le fruit de leur travail.

Le produit de tous les lavages d’or doit être versé directement à la fonderie impériale ; la circulation dans l’intérieur de la province en est aussi sévèrement défendue que l’exploitation, et sous les peines les plus sévères. À la fonderie la fusion purifie complètement l’or ; on le met en lingots de diverses dimensions, on l’essaie, on le marque, et on retient le cinquième pour le gouvernement (quinta). Après cela on donne au propriétaire les barres d’or, et on y ajoute un détail des opérations qu’elles ont subies ; ce n’est qu’à partir de ce moment qu’on peut les employer dans le commerce et les exporter, chose qui toutefois exige de la part du gouvernement une permission spéciale. Quand on veut échanger ces lingots pour de l’or monnayé, c’est le gouvernement qui offre l’échange ; néanmoins, comme celui-ci est rarement en état d’y pourvoir, et comme l’exportation des lingots présente de grands bénéfices, il ne reste dans le Brésil que bien peu d’or recueilli dans ses mines, et le pays du monde le plus riche par ce métal n’a en circulation pour valeur représentative qu’un mauvais papier-monnaie.

Il suffit de contempler les magnifiques édifices qui furent construits à Lisbonne du seul produit de la quinta, pour se convaincre combien, dans les premiers temps, les mines de Villa-Rica étaient abondantes. Nous citerons le couvent de Mafra et l’aqueduc Das Agoas livres, non moins somptueux qu’utile. Ce produit s’est beaucoup amoindri dans les derniers temps. Dans le dernier siècle encore la quantité d’or fondu annuellement à Villa-Rica s’élevait de 60 à 70 arrobas : maintenant il y en a tout au plus la moitié. En 1758 le cinquième royal valut 118 arrobas, et jusqu’en 1812 le total fut de 7 895 arrobas, ou de 85 millions de cruzades. Il est aisé de s’expliquer ce déchet par les vices de l’exploitation : on détériore, on dévaste les couches qui renferment l’or. L’on peut bien penser que la population a diminué dans la même proportion que les produits. Au milieu du dernier siècle cette opération occupait encore 80,000 ouvriers : il n’y en a plus que 16,000. Dès ses premiers pas dans ces contrées, le voyageur s’aperçoit des progrès du mal à la décadence des villages autrefois florissans, à la multitude d’habitations abandonnées. Pendant long-temps le gouvernement voulut en vain s’aveugler sur la véritable cause du mal ; il se dissimula la diminution de produits et crut devoir en accuser l’exportation furtive. Des lois sévères furent portées contre ce genre de fraude, et pour assurer l’exécution de ces lois, on multiplia les postes des douanes et des troupes. Mais dans un pays comme le Brésil, les véritables fraudeurs peuvent éluder toutes